La crise des migrants, c’est une question de quotas, de relocalisation de demandeurs d’asile dans l’Union européenne, de contrôle des frontières, mais c’est aussi, même si la question est moins présente dans les médias, une affaire de gros sous. Car c’est en partie parce que les camps de réfugiés syriens en Turquie, Jordanie, et au Liban voient les aides financières diminuer que leurs occupants prennent la route pour l’Europe.
Or, pour l’instant, au-delà des discours incantatoires, l’argent se fait attendre. « Il nous faut maintenant passer des paroles aux actes », a lancé Federica Mogherini, la représentante pour la politique extérieure et la sécurité de l’Union européenne, mardi 15 septembre. Martin Schulz, le président du Parlement européen, a de son côté fait parvenir jeudi 17 septembre, au premier ministre du Luxembourg, Xavier Bettel, dont le pays assure la présidence tournante de l’Union, une lettre, dont Le Monde a eu connaissance, soulignant l’urgence financière dans laquelle se trouvent les camps où s’entassent plus de 4 millions de Syriens.
« Le roi de Jordanie vient de m’apprendre que son pays voulait continuer à faire tout ce qu’il fallait pour les réfugiés, mais que les fonds dont il disposait s’épuisent. Du coup un grand nombre de Syriens sont actuellement obligés de quitter les camps dans ces pays tiers alors qu’ils veulent, à terme, rentrer dans leur pays », rapporte M. Schulz au Monde.
Budget contraint
M. Schulz déplore que le fonds spécial pour la Syrie (UE Trust Fund ou Madad Trust Fund), créé en décembre 2014 par la Commission européenne et l’Italie, soit encore en partie vide. Il avait pour objet d’apporter un soutien aux pays tiers (Turquie, Liban et Jordanie) pour un meilleur accueil, notamment des centaines de milliers d’enfants en manque de soins et d’éducation dans les camps. Ce fonds devait être abondé à hauteur de 4 milliards d’euros. Mais pour l’heure, il ne compte qu’un peu moins de 50 millions d’euros, dont 41 millions d’euros proviennent du budget de l’Union européenne, 5 millions de Berlin et 3 millions de Rome…
Qui doit fournir les milliards manquants ? Principalement les Etats membres. Le budget européen, un peu moins de 150 milliards d’euros par an, est en effet très contraint. Son enveloppe globale a été prédéfinie pour la période 2014-2020. Chaque année, il est négocié pour l’année suivante. On est actuellement en pleine négociation sur le budget 2016, mais les fonds déjà alloués aux migrations devraient être en partie absorbés par les coûts que devrait engendrer le plan de la Commission destiné à relocaliser cent soixante mille demandeurs d’asile dans toute l’Union (avec une aide de 6 000 euros par personne prise en charge, soit pas loin de 1 milliard d’euros en tout).
Lors du conseil extraordinaire de lundi 14 septembre, les ministres de la justice et des affaires intérieures ont fait le vœu de consacrer davantage de moyens aux pays tiers. M. Schulz, Mme Mogherini et Jean-Claude Juncker, le président de la commission, veulent les prendre au mot. Ils espèrent en faire un des points inscrits à l’agenda du sommet extraordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement, qui vient d’être convoqué pour mercredi 23 septembre.
La veille, le 22 septembre, les ministres de l’intérieur tenteront de se mettre d’accord sur la répartition des réfugiés, pour déminer le terrain d’une négociation toujours explosive. A la fin du mois, c’est le commissaire Christos Stylianides, chargé du développement et de l’aide humanitaire qui tentera, lui, d’encourager les donateurs internationaux à mettre eux aussi la main à la poche, lors de la conférence des Nations unies sur le développement, à la fin de septembre à New York. « La crise des migrants syriens n’est pas seulement une crise européenne, c’est une crise mondiale », assure le commissaire chypriote.
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